Jacques Darriulat

 

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Introduction à la philosophie esthétique


    Première mise en ligne : 1er avril 2016
(souvent complété ou modifié)

 

 

 

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Les trois plus récents « On devrait dire » sont en caractères bleus
.

ON DEVRAIT DIRE...


Cette liste, hélas, est sans fin, et toujours à renouveler. Mon cher lecteur, j'attends tes propositions, tout en me réservant le droit de retenir les meilleures...

           
On devrait dire « capitalisme », et non « libéralisme ».
On devrait dire « ultracapitalisme », et non « néolibéralisme ».
On devrait dire « ultranéolibéralisme » ou « hypercapitalisme », et non « illibéralisme ».
On devrait dire « néofascisme », et non « illibéralisme » (qui n'est par ailleurs que la « radicalisation » du « néolibéralisme »...) (1).
On devrait dire « capitalisme », et non « économie de libre entreprise ».
On devrait dire « capitalisme », et non « économie de marché ».
On devrait dire « marché européen », et non « union européenne ».
On devrait dire « tyrannie » et non « gouvernance ».
On devrait dire « classes dominantes », et non « élites ».
On devrait dire « classes dominantes  », et non « classes favorisées ».
On devrait dire « exploités », et non « défavorisés ».
On devrait dire « exploitants », ou « possédants », et non « riches ».
On devrait dire « exploités », ou « dépossédés », et non « pauvres ».
On devrait dire « dépossédés », et non « exclus ».
On devrait dire « ghettos de la misère », et non « quartiers sensibles ».
On devrait dire « droits sociaux », et non « assistanat ».
On devrait dire « grèves », et non « mouvements sociaux ».
On devrait dire « contestation du pouvoir », et non « grogne de l'opinion  », tant le grognement est le propre de la bête, non de l'homme (2).
On devrait dire « casser une grève », et non « mettre en place un service minimum ».
On devrait dire « lutte des classes », et non « fracture sociale ».
On devrait dire « lutte des classes », et non « partenaires sociaux ».
On devrait dire « négociations salariales  », et non « dialogue social »
(3).
On devrait, hélas, dire « enfumage » quand aujourd'hui on dit « dialogue ».
On devrait dire « chômeur », et non « demandeur d'emploi ».
On devrait dire « rupture unilatérale de contrat », et non « plan social ».
On devrait dire « démantèlement de l’outil de travail », et non « plan social ».
On devrait dire « licenciements », et non « restructuration ».
On devrait dire « régression sociale », et non « réformes sociales ».
On devrait dire « payez vos impôts ! », et non « faites un don ! ».
On devrait dire « solidarité », et non « charité ».
On devrait dire « salaire de misère » et non « travail précaire » (4).
On devrait dire « privilèges accordés à la richesse », et non « pause fiscale ».
On devrait dire « fraude fiscale », et non « optimisation fiscale ».
On devrait dire « planques mafieuses  », et non « paradis fiscaux ».

On devrait dire « stratégie d’exploitation », et non « culture d’entreprise ».
On devrait dire « destruction morale des sujets exposés aux conditions extrêmes de la course au rendement », et non « burn-out » (5).
On devrait dire « exploitation de la force de travail  », et non « gestion des ressources humaines ».
On devrait dire « piétiner les accords syndicaux  », et non « inverser la hiérarchie des normes ».
Quand, à l'occasion d'une fusion d'entreprises, on entend parler de « synergie », il faut comprendre : « suppressions d'emplois ».
On devrait dire « salaires », et non « coût du travail ».
On devrait dire « cotisations sociales » et non « charges patronales ».
On devrait dire « rafler la mise  », et non « percevoir des dividendes ».
On devrait dire « patron », et non « manager ».
On devrait dire « normalisation panoptique », et non « open space ».
On devrait dire « loi de la jungle », et non « droit des affaires ».
On devrait dire « ni vu ni connu, j’t’embrouille », et non « gagnant /  gagnant ».
On devrait dire « traficoter en toute impunité », et non « secret des affaires ».
On devrait dire « omertà », et non « secret des affaires  ».
On devrait parler de « corruption mafieuse en bande organisée », et non de « lobby ».
On devrait dire « école privée », et non « école libre ».
On devrait dire « médecine privée », et non « médecine libérale ».
On devrait dire « Sécurité Sociale », et non « Assurance Maladie ».
On devrait dire « Mutuelle de Santé  », et non « Complémentaire de Santé ».

On devrait dire « récession », et non « croissance négative ».
On devrait dire « déflation », et non « inflation négative ».
On devrait diagnostiquer un « collapsus du mode de production capitaliste », et non parler de « stagflation ».
On devrait dire « économie politique », et non « sciences politiques ». 
On devrait dire « économie politique », et non « sciences économiques ».
On devrait dire « privilégier le capital », et non « faire une politique de l'offre ».
On devrait dire « surexploitation », et non « rigueur » ni, pire encore (parce que la morale s’en mêle), « austérité ».
On devrait dire « anti-austéritaire », et non « populiste ».
On ne devrait pas opposer les « libéraux » aux « illibéraux », puisque tous deux partagent, très exactement, une seule et même politique économique (6). On devrait opposer les « Austéritaires » aux « Anti-austéritaires ».
On devrait dire « démolition du droit du travail », et non « concurrence libre et non faussée ».
On devrait dire « chaîne de production », et non « process de production ».
Les financiers devraient dire « Passez la monnaie, donnez à gogo, que nous puissions jouer à notre aise ! », et non « quantitative easing  ».
On devrait dire « acharnement thérapeutique », et non « quantitative easing ».
On devrait dire « destruction destructrice » quand on parle aujourd'hui, avec des airs pédants, de « destruction créatrice ».

On devrait dire « Etat de droit », et non « Etat-Providence ».
On devrait dire « souveraineté nationale », et non « souverainisme ».
On devrait dire « démocrates », et non « souverainistes ».
Quand on parle aujourd'hui de « l'arc républicain », il faut comprendre (hélas !) : « la faction des bien-pensants ».
Quand on appelle le peuple à « faire nation », ou les citoyens à « faire société », il faut comprendre que, désormais, toute critique sera censurée.
Quand on entend aujourd'hui parler du « vivre-ensemble », il faut comprendre : « Chacun pour soi, et n'emmerdez pas les voisins ! ».
On devrait dire « égalité », et non « équité ».
On devrait dire « au bon plaisir du président », et non invoquer des « droits régaliens ».
En République, le « domaine régalien » (déclarer la guerre, rédiger les lois et battre la monnaie) n'a rien de « régalien » : il devrait n'appartenir qu'au peuple, représenté par ses députés démocratiquement élus.

On devrait dire « consulter le peuple  », et non « faire du populisme  ».
On devrait dire « Je le veux et n'en démordrai pas, car tel est mon bon plaisir », et non « J'assume complètement ».
On devrait dire « le président de la République  », et non « l'Elysée » ni, pire encore, « le Palais » ou « le Château ».
On devrait dire « gardiens de la paix », et non « forces de l’ordre ».
On devrait dire « bourrer le crâne », et non « faire de la pédagogie ».
On devrait dire « raconter des salades », et non « faire de la pédagogie ».
On devrait dire « blablabla », et non « storytelling ».
On devrait dire « noyer le poisson », et non « contextualiser ».
On devrait dire « propagande », et non « communication ».
On devrait dire « bourrage de crâne », et non « sensibilisation ».
On devrait dire « propagande », et non « éléments de langage ».
On devrait dire « langue de bois », et non « éléments de vocabulaire ».
On devrait dire « imposer sa volonté », et non « faire passer le message ».
On devrait dire « matraquer l’info », et non « envoyer un signal fort ».
On devrait dire « idéologues salariés », et non « think tank ».
On devrait dire « groupe de pression », et non « think tank ».
On devrait dire « manipulateur de l’opinion », et non « expert en communication ».
On devrait dire « pensée unique », et non « consensus ».
On devrait dire « étouffer les contradictions  », et non « chercher un consensus ».
On devrait dire « démission du politique », et non « pacte de stabilité ».
On devrait réaliser une information authentique, c'est-à-dire développer une analyse rationnelle et critique des événements, et non « décoder les fake news ».
On devrait dire « Les membres du Comité pour xxx  », et non « Le Comité des Sages pour xxx ».
On devrait dire « suivre la consigne », et non « appliquer la feuille de route ».
On devrait dire, dans les temps d'épidémie, « nous n'avons rien prévu, débrouillez-vous tout seuls », et non « nous avons commandé un milliard de masques de protection ».
On devrait dire « nous n'avons rien en magasin », et non « les masques de protection ne sont d'aucune utilité ».
On devrait dire, à l'instar de de Gaulle (25/9/1963), « Comité Théodule » (ou « Gustave », ou « Hippolyte ») pour l'éducation, le très haut débit, la mer ou les violences conjugales... et non « Grenelle » de l'éducation, du très haut débit, de la mer ou des violences conjugales... (7) ; dans le même ordre d'idées, on devrait dire « Comité Théodule sur la Santé » et non « Ségur de la Santé » (dont il n'est pourtant pas interdit de goûter le sel, puisqu'il évoque tout autant – sinon plus – la comtesse que l'avenue).
Quand on entend parler de « politique du care », il faut se souvenir de La Fontaine : « C’était un chat vivant comme un dévot ermite / Un chat faisant la chattemite / Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras… »
Pour escamoter ce qu'il y a d'abject dans l'abaissement de la servitude volontaire, on encense aujourd'hui les vertus de la « 
résilience », qui incline au consentement. Nul n'ignore pourtant que « résistance » vaut mieux que « résilience » (8).
On devrait dire « discrimination » et non « séparatisme » ; le premier est de la responsabilité du bourreau, toujours masqué ; le second est le péché dont on accable la victime. Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage ; qui veut écraser l’insurrection l’accuse de « séparatisme ».


On devrait dire « assassinat des Juifs d’Europe », et non « Shoah ».
On devrait dire « recherche en histoire », et non « devoir de  mémoire ».
On devrait dire « crime raciste », et non « épuration ethnique ».
On devrait dire « noir », et non « black », et « Africain » (ou le continent d’origine, peu importe lequel)  et non « noir », et « Tchadien » et non « Africain ».
On devrait dire « Tunisien, Marocain, Algérien... », et non « Maghrébin ».
« Sud Global » : plutôt que de céder à l’anonymat de cette notion fourre-tout, il vaudrait mieux nommer les nations qui, longtemps vassalisées, accèdent aujourd’hui à l’autonomie politique. Le « Sud global » est l’avers d’une médaille dont le revers est l'affaiblissement du « Nord global ».
On devrait dire « racisme anti-arabe », et non « islamophobie ».
On devrait dire « la classe dominante est en train de perdre le contrôle des idées dominantes », et non « l'Université est gangrenée par l'islamo-gauchisme  ».
On devrait dire « Etasunien », ou « citoyen des Etats-Unis », et non « Américain » (proposé par M. René-Omar Llored).
On devrait dire « intégriste », et non « islamiste » (que serait un « catholiciste » ?) (9) . Et l'on devrait dire « forcené » et non « intégriste » (où est l'intégrité ?).
On devrait dire « La France ne tire pas profit de l'accueil des immigrés » (ce qui est par ailleurs rigoureusement faux), et non « La France n'a pas vocation à accueillir toute la misère du monde ».
On devrait dire « exilés », et non « migrants ».
On devrait dire « exode », et non « migration ».
On devrait dire « revendication sectaire », et non « communautarisme ».
On devrait dire « crispation tribale » et non « revendication identitaire ».
On devrait dire « repli sur soi », et non « communautarisme ».
On devrait dire « xénophobie », et non « communautarisme ».
On devrait dire « missiles guidés », et non « bombes intelligentes ».
On devrait dire « bombardement », et non « frappes chirurgicales ».
On devrait dire « négligence criminelle », et non « dommage collatéral ».
On devrait dire « assassinat de la population civile », et non « dommages collatéraux ».
On devrait dire « meurtre commis en bande organisée et avec préméditation, précédé d'actes de torture portant atteinte à la dignité de la personne humaine », et non « bavure » (10).
On devrait dire « viol en bande organisée », et non « tournante ».
On devrait dire « EVR (exploitation des ventres reproducteurs)  », et non « GPA (gestation pour autrui) ».

On devrait parler de « récitation mécanique » et non d' « Intelligence Artificielle ».
On devrait dire « Qu'il se débrouille tout seul ! », et non « La balle est dans son camp ».

On devrait dire « Nous sommes en train de tomber », et non « Nous allons rebondir ».
On devrait dire « proférer des obscénités », et non « déraper ».
On devrait dire « faire le pitre pour amuser la galerie », et non « faire le buzz ».
On devrait dire « verser des larmes de crocodile », et non « faire du compassionnel ».
On devrait dire « obscène », et non « décomplexé ».
On devrait dire « tous les coups sont permis », et non « discuter sans tabou ».
On devrait dire « je refuse d'écouter », et non « c'est dans mon ADN ».
On devrait dire « agressif et cynique », et non « disruptif ».
Quand on vous répond : « Je vous ai bien entendu... », il faut comprendre : « Cause toujours... »
Un oligarque (on dit encore un kleptocrate) est un multimilliardaire russe ; un mécène est un multimilliardaire « occidental ».

On devrait dire « capitalocène », et non « anthropocène ».
On devrait dire « interprétation », et non « narratif » (11).
On devrait dire « forfaiture », et non « dérive ».

 A suivre...

 


NOTES

1- On lira à ce propos, dans l'édition de Mediapart du 29 juin 2018 l'article d'Eric Fassin, « Le moment néofasciste du libéralisme », version complète du même article publié le même jour en version abrégée dans Le Monde.

2- Les partisans de l'ordre établi ravalent volontiers ceux qui les contestent au rang de la bête : c'est ainsi qu'on dit encore que « la colère sociale gronde », un verbe qui renvoie également, par son étymologie, à l'idée du grognement. Le chien et l'ours « grondent », l'orage ou le tonnerre « grondent ». La menace révolutionnaire s'apparente ainsi à la bestialité, ou au tohu-bohu de la Genèse : elle ne s'élève pas encore au niveau de l'humain. Et si on lui concède le tumulte de la passion, on ne lui reconnaît jamais la pénétration de la pensée.

3- « Dialogue social », cette formule apparaît pour la première fois en janvier 1984 dans une intervention de Claude Cheysson devant le parlement européen. Il s'agissait déjà d'adapter les négociations salariales aux exigences du programme néo-libéral mis en place par la Commission européenne. Au conflit des intérêts bien compris, on substituait en quelque sorte une nouvelle tyrannie (on dit aussi « pédagogie »), celle du consensus. Sur ce thème, on lira l'article fort instructif de Corinne Gobin, « Dialogue social », dans Quaderni, Nouveaux mots du pouvoir, fragments d'un abécédaire, n° 63, 2007, p. 32-36. En ligne :
https://www.persee.fr/doc/quad_0987-1381_2007_num_63_1_1768
Ce numéro mérite d'être lu en son entier : il n'est pas sans rapport avec la liste « On devrait dire... » que je propose sur cette page

4- On aime aujourd'hui à parler des « précaires » ou de la « précarité ». Mais si l'on veut bien penser ce que l'on dit, et non parler sans y penser, on se souviendra que le latin precari (d'où vient le mot « prière ») est l'étymon de « précarité ». Ce verbe déponent signifie : « adresser sa prière », « demander en suppliant ». Le travailleur « précaire » est ainsi celui qui demande humblement, qui implore en suppliant pour que lui soit accordé le droit de travailler au profit de son maître. Ce mot de « précaire » n'est donc qu'un cache-misère : il escamote l'âpreté du contrat de travail en lui donnant l'air généreux d'une grâce accordée.

5- Le recours aux langues étrangères permet d’escamoter ce qu’on juge déplacé. A cette fin, on recourait autrefois au latin, et Freud écrivait coitus a tergo, ou coitus more ferarum, pour éluder la crudité du sens littéral. A cette même fin, les « élites » moins lettrées d’aujourd’hui préfèrent l’anglais, ou plutôt le seul anglais qu’elles connaissent : l’anglais des affaires.

6- Certains s'étonneront peut-être d'une telle affirmation : en ce second semestre de l'année 2018, le très libéral Emmanuel Macron ne s'aligne-t-il pas docilement sur les normes de l'orthodoxie, tandis que l'illibéral Matteo Salvini conteste violemment les contraintes imposées par la Commission européenne ? Cette opposition, abondamment développée par la presse, n'est cependant qu'un trompe-l'œil : les deux politiques, la française comme l'italienne, sont en vérité très semblables et ne contestent nullement le cadre de l'austérité budgétaire. C'est le ton, plutôt que le fond, qui heurte Bruxelles. Il s'agit moins de corriger un budget que de mater une insolence. Il s'agit de savoir qui sera le maître. On lira sur ce point le remarquable article de Romaric Godin dans Mediapart : « Entre Macron et Salvini, une vision économique partagée » (16/10/2018). Si bien qu'en fin de compte Salvini n'est qu'un Macron arrogant, et Macron lui-même un Salvini cauteleux.

7- A la fin du mois de mai 1968, le monde des affaires, terrorisé par l'ampleur de l'insurrection, s'est résigné, bien à  contrecœur, aux « accords de Grenelle ». En faisant d'un nom propre un nom commun, la rancune des exploitants s'efforce de banaliser un événement singulier, qu'elle espère ne jamais voir se reproduire ; en baptisant « Grenelle » toute Commission sans conséquence, elle exorcise une humiliation cuisante et jamais pardonnée. D'autant que ces accords, exorbitants aux yeux du patronat mais désavoués par la base, n'ont pas été en mesure de mettre fin à la grève générale.

8- Voir l'article remarquable d'Evelyne Pieiller, « Résilience partout, résistance nulle part », dans Le Monde Diplomatique de mai 2021.

9- Voir Antoine Perraud, « Terrorisme : la langue inopérante », Mediapart, 22 juillet 2016.

10- Nous apprenons par un article du Monde (31 août 2021) qu'en Thaïlande, un commissaire véreux, assisté de ses six subordonnés, a causé la mort par suffocation d'un jeune homme arrêté en possession d'amphétamines. Cette scène de tabassage avait pour but d'extorquer au suspect, en échange de sa libération, une somme de 52.000 euros. On apprend encore que ce criminel est un playboy qui défraie la chronique à Bangkok, s'affichant avec les stars à la page et propriétaire d'une collection de vingt-neuf voitures de sport. Ce qui n'empêche pas la rédaction du Monde de titrer ce sordide assassinat : « En Thaïlande, la bavure du policier "Jo Ferrari" embrase les réseaux sociaux »... Il me semble en outre que les guillemets auraient été mieux placés s'ils avaient encadré le mot policier, plutôt que le surnom du bourreau.

11- Une interprétation admet un référent, événement ou texte ; à l'inverse un narratif est un libre développement qui ne se réfère qu'à lui-même. On peut avec rigueur mettre en évidence l'inexactitude d'une interprétation ; mais on ne peut à l'inverse qu'apprécier le degré de séduction d'un narratif. Ce pourquoi l'interprétation peut être réfutée, tandis que le narratif se situe en deçà du vrai comme du faux.