Jacques Darriulat

 

INTRODUCTION A LA PHILOSOPHIE ESTHETIQUE

 

 

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ANTIQUITE

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RENAISSANCE

1- Naissance de la critique d'art

2- Imitation de la nature

3- Perspective

4- Alberti

5- Ficin

6- Pic

De hominis dignitate

7- Léonard

8- Michel-Ange

9- Vasari

PHILOSOPHIE MODERNE

PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE

 


Mis en ligne le 29 octobre 2007

 

Pic de la Mirandole (1463-1494)

 

         Deux documents composent ce dossier consacré à Pic de la Mirandole : le premier, que le lecteur a maintenant sous les yeux, propose une présentation générale de ce philosophe ; le second est un commentaire de son écrit le plus célèbre, Oratio de hominis dignitate : pour le consulter, il suffit de cliquer dans la page de gauche sur "De hominis dignitate".   

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            Biblio : Jean Pic de la Mirandole, Œuvres philosophiques, éd. Olivier Boulnois et Giuseppe Tognon, Paris, PUF, 1993 (Discours, l’Etre et l’Un, Heptaple, lettres à E. Barbaro, à Laurent de Médicis, à Jean-François, et Commentaire du psaume XV) ; De la dignité de l’homme, trad. et prés. Yves Hersant, avec le texte latin, éd. de l’Éclat, Combas, 1993. Commento, traduit par Stéphane Toussaint, Lausanne, L’Age d’Homme, 1989.
            Kristeller, Huit philosophes de la Renaissance italienne, Genève, Droz, 1975, chap. IV, p. 57-72. Ernst Cassirer, Individu et cosmos dans la philosophie de la Renaissance, Minuit, 1983 [1927], surtout le chapitre III : « Liberté et nécessité dans la philosophie de la Renaissance ». Éric Weil, la philosophie de Pietro Pomponazzi. Pic de la Mirandole et la critique de l’astrologie, Paris, Vrin, 1979. Deux biographies : Eugenio Garin, Giovanni Pico della Mirandola, Florence, 1937 [1963] ; et Henri de Lubac, Pic de la Mirandole. Études et discussions, Paris, 1974.

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            Mort à trente et un ans, son charme, sa noblesse et sa richesse, son extraordinaire précocité et érudition, font du comte Pic de la Mirandole un personnage emblématique, et même un peu légendaire, de la Renaissance italienne. On connaît son nom mais on n’a guère lu son œuvre. On connaît surtout le Discours sur la dignité de l’homme (titre posthume), et tout particulièrement, dans ce discours, la magnifique apostrophe du Créateur à la créature : « Je ne t’ai fait ni céleste, ni terrestre, ni mortel ni immortel, afin que, souverain de toi-même, tu achèves ta propre forme librement, à la façon d’un peintre ou d’un sculpteur. Tu pourras dégénérer en formes inférieures, comme celles des bêtes, ou, régénéré, atteindre les formes supérieures, qui sont divines » (1). Encore faut-il remarquer combien cette célébrité est ambiguë, puisque les Modernes lisent cette proclamation comme un manifeste quasi existentialiste de la liberté humaine, ce qui est un évident anachronisme et contresens (2).
            Giovanni Pico della Mirandola est né le 24 février 1463 dans le château familial, à Mirandola, dans le nord de l’Italie (proche de Modène, Ferrare et Mantoue), fief des comtes de Mirandola et de Concordia. Il reçoit très tôt une éducation humaniste, et apprend le latin et le grec. En 1477, il aborde l’étude du droit canon à Bologne dans le but de faire une carrière ecclésiastique. Il renonce à ces études à la mort de sa mère, en 1478, qui l’avait poussé dans cette voie. Lors d’un bref séjour à Florence, en 1479, il fait la connaissance des humanistes de la cour de Laurent le Magnifique, Angelo Poliziano et surtout Girolamo Benivieni, auquel il sera lié par une amitié forte et réciproque. La même année, c’est à Ferrare qu’il connaît et apprécie le dominicain Jérôme Savonarole. Tous deux, l’un, religieux, l’autre philosophe, communient dans la même conception prophétique de la connaissance (3). Il étudie ensuite la philosophie à Ferrare, puis à l’université de Padoue de 1480 à 1482, foyer aristotélicien selon l’interprétation matérialiste de l’averroïsme. C’est auprès de son maître juif, Elia del Medigo, qu’il apprend alors l’hébreu et l’arabe, et découvre les Oracles chaldaïques attribués alors à Zoroastre. Long séjour à Florence au printemps 1484, où il entre dans le cercle de l’Académie platonicienne et se lie avec Marsile Ficin (en 1482, il avait demandé à Ficin de lui envoyer sa Théologie platonicienne). Pendant l’été 1485, il est à Paris qui reste alors le principal centre de la philosophie et de la théologie scolastiques. C’est là sans doute que lui vient à l’esprit l’idée de rédiger des thèses en faveur de l’unité des religions chrétienne, juive et musulmane, comme de la culture païenne avec la religion révélée, et de les soutenir sous la forme médiévale de la disputatio. En mai 1486, l’amour qu’il éprouve pour Marguerite, l’épouse d’un cousin de Laurent de Médicis, Giuliano Margotto de Médicis, officier des contributions d’Arezzo, le conduit à tenter un enlèvement, qui se termine fort mal : blessé, il doit se réfugier à Pérouse (4). Il continue d’étudier l’hébreu et l’arabe sous la direction de maîtres juifs, Elia del Medigo et Flavius Mithridate (professeur de langues orientales, qui l’initie à la Kabbale et aux textes hermétiques). Il s’intéresse tout particulièrement à la Kabbale, interprétation médiévale symbolique de l’Ancien Testament, influencée par le néoplatonisme, mais que l’on croyait à l’époque beaucoup plus ancienne (5). Il rédige 900 thèses, ou Conclusiones (ce chiffre est sans doute motivé par des raisons arithmosophiques et magiques, 900 étant pour la Kabbale un nombre mystique qui symbolise l’aptitude à tout connaître) destinées, selon lui, à démontrer la concordance de toutes les philosophies, ainsi qu’un « discours » d’introduction qu’on intitulera après sa mort Oratio de hominis dignitate. En novembre 1486, il arrive à Rome, se présentant comme une sorte de champion par l’universalité de ses connaissances (6) et décidé à défendre devant le pape Innocent VIII ses thèses (qu’il intitule les Conclusiones, se faisant fort, lors de la disputatio, de les établir démonstrativement) en une grandiose disputatio qui aurait lieu à la Curie, après l’Épiphanie. Une commission désignée par le pape juge treize des neuf cents thèses au plus hérétiques et au moins douteuses (7). Ce qui épouvanta les juges fut surtout la référence, nouvelle pour les hommes d’Église, à la doctrine ésotérique de l’orphisme et surtout à la Kabbale. Pic se défend par un court texte intitulé Apologia (1487), et qu’il dédie à Laurent le Magnifique ; il y dénonce l’ignorance des inquisiteurs : « Lorsqu’un jour, on demanda à l’un d’eux ce qu’était la kabbale, il répondit que c’était un homme perfide et diabolique, nommé Kabbale, qui avait beaucoup écrit contre le Christ. De là le nom de kabbalistique attaché à ses paroles » (8). Devant ce qui lui semble alors une rébellion, le pape condamne en bloc les neuf cents thèses le 5 août 1487 et Pic doit s’enfuir en France, son séjour à Paris lui ayant assuré des soutiens en Sorbonne. Arrêté par les envoyés du pape en janvier 1488 (il est emprisonné quelques mois au donjon de Vincennes), il est libéré grâce à l’intervention du roi Charles VIII (qui cherchait à s’assurer de l’amitié des Médicis, hostiles au pape) et est autorisé à revenir à Florence, où il sera en quelque sorte assigné à résidence (en fait il voyagera entre Ferrare et Florence) et placé sous la protection de Laurent le Magnifique. Pic se rapproche alors de Savonarole, surtout après la mort de Laurent le Magnifique, en 1492, et s’éloigne en conséquence d’autant plus de Marsile Ficin, qui ne partageait pas son idéal de repentir et de conversion. Période féconde, où il écrit l’Heptaplus (1489), commentaire des six jours de la Genèse, le De Ente et uno (1491) dédié à Ange Politien, un commentaire du psaume XV (seul publié par son neveu Jean-François ; Pic avait prévu un commentaire systématique de tous les psaumes, qu’il n’eut pas le temps de mener à bien) et les Disputationes adversus astrologiam divinatricem, critique violente en 12 livres contre l’astrologie, donc en partie contre Ficin (posthume). En 1493, il est absous de toutes fautes par le successeur d’Innocent VIII, Alexandre VI. Il meurt (dans des circonstances mal élucidées, on a supposé qu’il fut empoisonné) le 17 novembre 1494, après l’expulsion par le peuple florentin de Pierre de Médicis, le jour de l’entrée de Charles VIII dans Florence. C’est Girolamo Savonarole qui prononce son oraison funèbre à Santa Maria del Fiore. Son corps fut revêtu de l’habit des Frères Prêcheurs et on l’enterra dans l’église du couvent Saint-Marc aux côtés de son ami Politien, qui l’avait précédé de quelques semaines. Dans les dernières années du XVe siècle, les humanistes florentins qui avaient inspiré la culture néoplatonicienne vont disparaître les uns après les autres (Laurent le Magnifique, Ange Politien, Pic, Ermolao Barbaro, puis Marsile Ficin). Plus que le prophète de temps nouveaux, Pic est peut-être le dernier et le plus brillant d’une culture liée étroitement à l’éclat de la cour des Médicis.

            Même si l’originalité de Pic était frappante aux yeux de ses contemporains, sa pensée reste tributaire par bien de ses aspects du néoplatonisme de Ficin. Le meilleur moyen pour la définir est de désigner les différences qui le distingue du maître de l’Académie platonicienne :
            1- A l’inverse des humanistes italiens depuis Pétrarque, Pic souhaite revenir à une tradition plus technique et austère de l’argumentation philosophique. Il se méfie du latin fleuri et rhétorique des humanistes, et d’une philosophie qui utilise des métaphores poétiques en guise de démonstration. La philosophie scolastique n’est nullement pour lui à rejeter dans un âge barbare et inculte ; il se réclame au contraire de cette tradition qu’il a l’avantage, sur Ficin, de connaître. De ce point de vue, sa correspondance avec Ermolao Barbaro, helléniste padouan, restera célèbre pendant toute la Renaissance. Barbaro avait entrepris de faire connaître le véritable Aristote, par delà les traductions et commentaires qui l’avaient défiguré, selon lui, pendant le Moyen Age. La correction de Barbaro était humaniste plutôt que philosophique, et portait essentiellement sur la traduction de l’original grec et sur le style. Dans une lettre à Barbaro, Pic répond en défendant les philosophes scolastiques sans se départir pour autant de la culture humaniste. Plusieurs années après la mort de Pic et d’Ermolao, Melanchton, le réformateur qui deviendra le chef de l’Église luthérienne après la mort de Luther, écrira une réponse à la lettre de Pic et prendra la défense d’Ermolao. La lettre de Pic, qui prit par la suite le titre de De genere dicendi philosophorum, marque l’origine d’un débat qui se poursuivra jusqu’au XVIIe siècle, et qui porte sur le discrédit du Moyen Age et la valeur d’exemple accordée à l’Antiquité. De ce point de vue, l’encyclopédisme de Pic, qui ne répudie rien, prolongeait cette polémique anti-littéraire et exprimait la volonté de prendre aussi en considération la philosophie médiévale. Ce texte accomplit la rupture entre la première Renaissance, qui est enthousiaste pour tout ce qui est antique, et une Renaissance plus critique à l’égard du paganisme, et tourmentée par un repentir chrétien dont Savonarole se fera l’interprète. L’enjeu en sera souvent l’autorité qu’il convient d’accorder à Cicéron. On peut voir un prolongement de cette polémique dans le dialogue le Ciceronianus, ou « du meilleur genre de l’éloquence » qu’Érasme publie à Bâle en 1528 (Œuvres choisies, Livre de Poche, 1991, p. 925 sq), satire contre le paganisme ressuscité par les idolâtres de la littérature antique.
            2- Pic partage avec Ficin et avec l’esprit de son temps un syncrétisme philosophique hérité de l’Antiquité tardive et des derniers païens, qui avaient tenté une sorte de synthèse entre les dieux grecs et romains. On trouve là peut-être l’origine d’une philosophie qu’on dira plus tard éclectique (9), la vérité étant disséminée dans tous les systèmes. L’histoire de la philosophie a une vocation non documentaire mais encyclopédique : rétablir l’intégralité de la totalité perdue du savoir humainement possible. Cette fascination pour la concordance secrète des philosophies, des religions et des mythes, par-delà leurs apparentes contradictions, avait conduit ses amis à surnommer Pic « princeps Concordiae », en souvenir de l’un des châteaux (Concordia) appartenant à sa famille. De même qu’on trouve chez Ficin l’idée d’une religion naturelle qui fera fortune au XVIIIe siècle, de même, chez Pic, on trouve un plaidoyer pour la tolérance qui se fonde sur une connaissance des religions, complémentaires et non opposées entre elles. Deux points pourtant distinguent Pic de ses contemporains, et plus particulièrement de Ficin :
            En premier lieu, tandis que Ficin cherchait l’unité encyclopédique des connaissances dans la tradition platonicienne et néoplatonicienne (Platon, Plotin, Hermès Trismégiste, Zoroastre, Orphée, Denys l’Aréopagite), Pic étend cette universalité à Aristote et ses commentateurs arabes, Avicenne, Averroës, mais aussi scolastiques, Thomas d’Aquin, Duns Scot, et enfin à la Kabbale juive (il la croit aussi ancienne que la Bible, donc contemporaine des révélations d’Hermès et des oracles de Zoroastre, que Ficin pensait aussi avoir été rédigés du temps de Moïse). Ce kabbalisme chrétien de Pic le conduit à renouveler l’exégèse de l’Écriture, en recourant par exemple à la méthode kabbalistique qui fait se correspondre, à chaque lettre de l’alphabet hébreu, une valeur numérique, tout mot équivalant à un nombre et pouvant par là même être remplacé par un autre mot dont les lettres additionnées forment le même total. Par cette ouverture à des cultures jusque là méconnues, Pic, qui ne se pliait pas aisément à une autorité intellectuelle, quelle qu’elle soit, lançait une sorte de défi par l’érudition au maître de l’Académie platonicienne (et bien au-delà à l’autorité ecclésiastique elle-même). Les neuf cents thèses témoignent plus que tout autres de lectures proprement vertigineuses pour leur temps : Pic se réclame en même temps des philosophes et théologiens latins (Albert le Grand, Thomas d’Aquin, Jean Scot Erigène, Henri de Gand, etc.), de péripatéticiens arabes (Averroës, Avicenne, Al Farabi, etc.), de péripatéticiens grecs (Théophraste, Ammonius, Simplicius, Alexandre d’Aphrodise), de néoplatoniciens (Plotin, Porphyre, Jamblique, Proclus) et enfin de la tradition ésotérique (Pythagore, Zoroastre, Hermès, les sages kabbalistes).
            En second lieu, tandis que Ficin se fondait essentiellement sur Platon, et délaissait Aristote aux commentateurs méprisés de la scolastique, Pic entreprend au contraire de démontrer la concordance des deux philosophies, reprenant ainsi une tradition qui remontait à l’Antiquité. Cet équilibre s’accomplissait en tirant Platon vers Aristote plutôt que l’inverse, et conduisait Pic à délaisser les interprétations néoplatoniciennes de Platon, y compris Plotin, ce contre quoi Ficin protestait dans son commentaire du Parménide.
            Enfin, un dernier trait qui caractérise Pic, à défaut de le distinguer, c’est son goût pour l’interpétation allégorique des mythes grecs. Pic hérite ici d’une longue tradition qui remonte à l’Antiquité même (allégorisme stoïcien et néoplatonicien. Consulter sur ce point Jean Pépin, Mythe et allégorie, Études augustiniennes, 1976), reprise par les humanistes puisque Coluccio Salutati avait consacré un ouvrage à l’interprétation symbolique des travaux d’Hercule (De laboribus Herculis), Cristoforo Landino avait développé dans ses Conversations de Camaldoli (Disputationes Camaldulenses) une longue interprétation des six premiers livres de l’Énéide et Ficin lui-même avait longuement glosé sur le jugement de Pâris dans son Commentaire du Philèbe de Platon. Pic, s’appuyant sur l’autorité d’Aristote qui déclare que les premiers poètes ont été les premiers théologiens et que les mythes sont les reliques de leur sagesse parvenus jusqu’à nous (Mét. L, 1074 b 1-14), se livre de son côté à une longue et quelque peu laborieuse interprétation des mythes se rapportant à l’Amour ainsi qu’à la naissance de Vénus (10) dans le commentaire qu’il rédigea du poème sur l’Amour de son ami Girolamo Benivieni. Par ce goût pour l’allégorisme qu’il partage avec ses contemporains, Pic est peu original et se rattache à la culture médiévale plutôt qu’à la modernité naissante.

            Nous complèterons cette présentation générale en évoquant les écrits les plus importants rédigés par Pic de la Mirandole, réservant un développement plus étoffé pour le Discours sur la dignité de l’homme.

            Lettre à Ermolao Barbaro (1485, De genere dicendi philosophorum : Sur le style des philosophes) : son ami Ermolao Barbaro (1453-1493), qui donnait des cours à l’université de Padoue où il commentait Aristote, le félicitait dans une lettre du 5 avril 1485 de répudier le style des scolastiques, ses collègues philosophes de l’Athénée de Padoue (« sourds, grossiers, incultes et barbares »). Pic répondit le 3 juin par une condamnation du beau langage : « Dans les assemblées des philosophes et des savants, il ne s’agit pas de discuter sur la mère d’Andromaque, ni sur les fils de Niobé et sur les vaines futilités de ce genre, mais sur les principes des choses humaines et divines » (11) Tandis que l’humanisme italien depuis Pétrarque était essentiellement rhétorique, l’homme manifestant sa dignité par la parole persuasive « médecine de l’âme, maîtresse des passions, véritable éducatrice de l’homme, édificatrice et destructrice des cités » (12), Pic au contraire réactive la vieille opposition platonicienne de la rhétorique et de la philosophie : « Les philosophes ont séparé la sagesse de l’éloquence ; les historiens, les orateurs, les poètes ont, comme le déplore Philostrate, séparé l’éloquence de la sagesse » (13). Et encore : « Un discours bien peigné est toujours prostitué. C’est pourquoi nous préférons le nôtre, hirsute, pesant, maladroit, à un discours joliment peigné, et qui porte la marque et le soupçon de la corruption » (14). Ce texte est le premier texte public de Pic et marque son entrée officielle sur la scène littéraire et philosophique italienne.
            Commento (1486) : Girolamo Benivieni, l’humaniste florentin auquel Pic était lié par une profonde amitié, avait publié un poème en neuf stances, Canzone d’amore, Chant sur l’Amour céleste et divin, dans l’esprit du Commentaire sur le Banquet de Ficin (15). Dans le Commentaire de ce qui était déjà un commentaire poétique du commentaire de Platon par Ficin, Pic oppose à l’Éros ficinien, élan anxieux, tourmenté par la mélancolie, de l’âme vers la félicité perdue mais aussi influx vital qui anime la création physique et matérielle, un amour plus mystique et ascétique qui renonce au monde pour s’abîmer en Dieu. Pic, bien davantage que Ficin, est insensible au prestige de la beauté terrestre, ou Vénus vulgaire, donc au charme de l’œuvre d’art, pour ne se tourner que vers la Vénus céleste, qui renonce à l’intellection et s’abîme en Dieu par un éblouissement que seuls connaissent les spirituels. En II, 2, Pic critique Marsile qui ne peut penser qu’un amour réciproque, méconnaissant ainsi l’infinité et l’ineffabilité du divin, seul objet de l’amour (« Notre Marsile commet des erreurs dans la première partie de son commentaire, où ce contresens seul, étant à l’origine d’une confusion totale, a fini par altérer tout ce qu’il dit ensuite de l’amour. », éd. Toussaint p.109). Tandis que Ficin met l’accent sur la participation de la beauté sensible à la beauté intelligible, Pic distingue plus rigoureusement la Vénus terrestre de la Vénus céleste. En III, 1 (éd. Toussaint p. 135), Pic reproche à Plotin, autrement dit à Ficin, de n’avoir parlé que de la beauté visible, et non de l’amour céleste originel, à l’inverse de Platon (« Platon envisage l’amour originel et authentique, tandis que Plotin traite de son image au second degré. », p. 136). C’est ainsi qu’il écrit que « l’âme peut être très efficacement libérée de cette misérable prison par le chemin de l’amour qui, grâce à la beauté corporelle du monde sensible, réveille en elle la part intellectuelle et l’y convertit pour la faire passer de la vie terrestre, songe né d’une ombre comme l’écrit justement Pindare, à la vie éternelle où, purifiée par l’amoureuse flamme, elle revêt sa forme angélique dans la plus grande des félicités » (16). Enfin, Pic oppose à l’âme rationnelle, capable d’abstraire l’idée de la beauté de son image visible, l’intellect qui s’aveugle et renonce à toute beauté, fût-elle intelligible, en s’abîmant intuitivement en Dieu ; c’est ainsi, ajoute-t-il, que tous les bienheureux qui ont été ravis en Dieu, « ceux que l’on nomme les Extatiques, tels Tirésias, Homère et saint Paul [Ficin avait déjà écrit de son côté un De Raptu Pauli], ont perdu la vue » (17). A l’ascension du sensible vers l’intelligible décrite par Ficin, Pic oppose donc le renoncement et le sacrifice du sensible comme condition préalable à l’initiation au pur intelligible (ce qui peut être saisi non par la raison, mais par l’intuition intellectuelle). C’est ainsi, écrit Pic, que nos âmes sont à l’image antique du Janus bifrons (18), deux visages collés l’un à l’autre mais regardant dans des directions diamétralement opposées : entre le sensible et l’intelligible, entre l’ange et la bête, se convertir vers l’un suppose nécessairement qu’on se divertisse de l’autre.
            Oratio de hominis dignitate (1486) : le thème de la dignité de l’homme est abondamment développé par les humanistes de la Renaissance. Il trouve son origine dans le traité que rédige Lothaire de Segni en 1195 : De contemptu mundi sive de miseria humane conditionis, Du mépris du monde ou de la misère de la condition de l’homme (19). Lothaire se proposait de compléter son texte par un second traité qui ferait l’éloge de la grandeur de l’homme, créature façonnée à l’image de Dieu ; il n’en eut pas le temps, ayant été élevé sur le trône pontifical sous le nom d’Innocent III en 1198. De nombreux humanistes s’efforceront alors de rédiger la partie manquante, et prendront la défense de la dignité humaine contre l’évocation de sa misère développée par les penseurs médiévaux. Par ailleurs, et comme l’a bien montré Olivier Boulnois dans son essai en guise de postface à l’édition des Œuvres de Pic, l’éloge de la dignité de l’homme trouve son origine chez les Pères de l’Église et inspire une tradition ininterrompue pendant tout le Moyen Age, qui se prolonge au Quattrocento (20). Parmi les grands textes des humanistes de la Renaissance, l’un des plus beaux (pourtant jamais traduit en fraçais) est celui de Gianozzo Manetti, De excellentia et dignitate hominis (1453). Mais il faudrait citer encore le De Nobilitate de Poggio Bracciolini, le De excellentia et praestantia hominis de Bartolommeo Facio (1447) et le De vera nobilitate de Cristoforo Landino. Le titre du discours est posthume : Pic avait seulement intitulé Oratio le discours introductif aux neuf cents Conclusiones (ce fut l’éditeur de ses œuvres, à Strasbourg en 1504, qui donna à ce bref discours le titre de Discours sur la dignité de l’homme). Il faut noter par ailleurs que le Discours resta toujours extérieur à la polémique qui opposa Pic à l’autorité ecclésiastique, et que sa publication posthume ne souleva aucune opposition. Le thème de la dignité et de la liberté de l’homme, développé dans l’Oratio, était déjà présent dans les écrits précédents. On lit par exemple, dans le Commento : « Le temporel seul est soumis au Destin, c'est-à-dire le monde corporel ; car l’âme rationnelle et incorporelle ne lui est pas soumise, le domine au contraire, mais dépend de la Providence et la sert, service qui est une authentique liberté... » (21). Le Discours est une invitation, rédigée dans un style encore très rhétorique, adressée à l’âme pour qu’elle prenne son essor vers l’intelligible, selon l’image de l’échelle de Jacob interprétée ici selon La Hiérarchie ecclésiastique de Denys l’Aréopagite. Il s’agit donc d’une exhortation à la connaissance, non simplement rationnelle toutefois mais bien mystique, « jusqu’à ce que, touchés enfin d’une ineffable charité, comme embrasés (quasi aestro perciti, que Boulnois traduit par : transpercés par l’orgasme), mis hors de nous-mêmes comme des Séraphins ardents et emplis de la présence divine, nous ne soyons plus nous-mêmes mais Celui qui nous a faits » (22). Pic proclame son intention de rétablir l’harmonie entre les philosophies de Platon et d’Aristote, et évoque la liste impressionnante de toutes les cultures dans lesquelles il compte puiser. Cet encyclopédisme est au service d’un pacifisme militant qui veut rétablir l’unité du savoir par-delà la diversité des croyances, et prononce l’éloge de « la paix désirée — paix très sainte, indissoluble union, amitié unanime, grâce à laquelle toutes les âmes non seulement s’accordent en un unique esprit qui est au-dessus de tout esprit, mais d’une manière ineffable, se fondent complètement en l’Un » (23).
            Heptaplus ou De Septiformi sex dierum geneseos enarratione (1489) : dans cette interprétation symbolique des six jours de la création, Pic fait de l’homme un empire dans un empire, un quatrième monde libre de se situer comme il l’entend dans la hiérarchie des trois mondes : le monde des anges, le monde céleste et le monde des éléments de la matière. Le quatrième règne, celui de l’homme, n’est pas situé par nature dans l’univers créé mais choisit lui-même sa situation par un acte de liberté. Enfant du premier Adam, défiguré et enlaidi par le péché, il peut dégénérer en bête brute ; mais enfant de Jésus-Christ, le nouvel Adam, « réformé par grâce en lui-même », il est « réengendré » et passe « de l’homme à l’adoption des fils de Dieu » (24). Pic soutient que l’œuvre des six jours, telle que la rapporte Moïse, est en fait une sorte de résumé crypté de tous les secrets de la nature et que Moïse y a déposé tous les trésors de la vraie philosophie, qui lui fut révélée par l’Esprit divin. La cour pontificale est hostile à cet écrit, qui pratique un symbolisme sauvage et prétend faire l’économie de l’allégorisme médiéval. En outre, l’Heptaple est l’œuvre de Pic où l’influence de la Kabbale est la plus sensible : au dernier chapitre (VII, 7), il se livre à un commentaire déconcertant du premier mot de la Genèse : « Bereshith », c'est-à-dire « au commencement ». En appariant les lettres du mot hébreu de diverses façons, c'est-à-dire en composant une série d’anagrammes partiels, il en conclut que le mot « bereshith » veut dire en vérité : « Le père au fils (ou par le fils), commencement et fin (ou repos), créa le chef, le feu et fondement du grand homme par bon accord (ou alliance) », le « grand homme » signifiant ici le macrocosme, c'est-à-dire l’univers (25).
            De ente et uno (1491) : c’est le seul fragment existant de l’œuvre qu’il voulait consacrer à la concordance de Platon et d’Aristote (26). La question est de savoir si l’Etre et l’Un se correspondent l’un l’autre, comme Aristote le soutient en plusieurs endroits (27), ou si l’Un est premier par rapport à l’Etre, puisqu’il tire son origine d’un principe métaphysique plus élevé, comme l’assurent Platon, Plotin et les autres néoplatoniciens. Pic, en se fondant sur une interprétation purement dialectique du Parménide, prend la position d’Aristote à laquelle il s’efforce de montrer que coïncide celle de Platon : le premier transcendantal n’est ni l’Un ni le Vrai, mais bien l’Etre. Par ailleurs, c’est dans ce texte que l’on trouve l’expression d’un certain scepticisme mystique, inspiré de la théologie négative de Denys l’Aréopagite (reprise à la Renaissance par Nicolas de Cues et Charles de Bovelles, dans la continuité de Maître Eckart), qui connaîtra une longue postérité aux XVIe comme au XVIIe siècle : Dieu est ténèbre et la philosophie rationnelle doit s’humilier devant la révélation. Évoquant le quatrième degré de l’ascèse, il écrit : « dans la lumière de l’inconnaissance » : « Et finalement, nous ne dirons plus qu’une chose sur Dieu : qu’il est lui-même de manière impensable et ineffable au-dessus de tout ce que nous pouvons dire ou concevoir de plus parfait à son égard » (28). C’est ce scepticisme mystique et non critique (ou « pyrrhonisme chrétien »), qui abaisse la raison pour laisser une place à la foi, qui se prolongera dans les travaux du neveu de Pic, Jean-François Pic de la Mirandole, qui lui donnera par ses écrits au XVIe siècle un considérable développement (dont l’influence se fait sentir, jusque chez Montaigne, même si celui-ci n’a jamais lu Giovanni Francesco) (29). C’est ainsi que le Parménide n’est pour Pic qu’un pur exercice dialectique qui conclut à l’ineffabilité de Dieu et non, comme c’est le cas pour les néoplatoniciens (Proclus en particulier, et Ficin lui-même) une théorie des émanations du premier principe, c'est-à-dire de l’Un qui précède toute intelligence et réflexion (30). La religion prend ainsi le relais de la philosophie, et la raison doit s’abaisser devant la foi. A l’inverse de Ficin, qui croit la philosophie capable de percer les mystères de la révélation, Pic affirme la supériorité de la connaissance prophétique, et se rapproche ainsi de l’extrêmisme spirituel et anti-intellectuel de Savonarole.
            Le 15 mai et le 2 juillet 1492 (tout de suite après la mort de Laurent le Magnifique, qui survient le 8 avril 1492), il écrit deux grandes lettres à son neveu Jean-François, qui sont l’une, une consolation chrétienne pour traverser les épreuves de la vie, qui font que le chrétien est nécessairement crucifié par les ennemis de l’Évangile ; et l’autre une exhortation à la prière, « non celle qui se fait avec beaucoup de mots, mais celle qui, dans le secret, dans le retrait de l’esprit, dans les profondeurs de l’âme, parle à Dieu par l’affection même » (31). On pense parfois, en lisant ces textes, ainsi que d’autres de Pic, à Pascal : « Je suis parfois pris — Dieu m’en est témoin — d’une sorte d’extase et de stupeur quand je songe moi-même aux occupations des hommes, ou pour parler plus clairement, à leur pure folie, et je ne sais si je dois y penser ou m’en affliger, si je dois m’en étonner ou le déplorer » (32).
            Disputationes adversus astrologiam divinatricem (1493-94) : dans cette œuvre, qui fait étalage d’un savoir astrologique très poussé, Pic entreprend de montrer que les astres n’ont d’influence sur les créatures terrestres que par leur lumière et leur chaleur, donc par des causes physiques, et ne peuvent donc agir sur la volonté, qui est cause morale et intelligible. Les étoiles sont des corps et l’homme est un esprit : l’un ne peut donc influencer l’autre. Il s’agit de l’œuvre la plus volumineuse de Pic, qui fut publiée en 1496 à titre posthume par son neveu Jean-François et suscita d’innombrables polémiques (la polémique sur l’astrologie se prolongera jusqu’au début du XVIIe siècle, l’univers infini réfutant définitivement le cosmos symbolique et chiffré des astrologues). Certains (par ex. Ernst Cassirer, suivi par son élève Éric Weil) ont considéré ce texte comme une protestation de la raison contre les puissances occultes de la magie. Le point de vue de Pic est cependant religieux beaucoup plus que scientifique : il s’agit de préserver la liberté de l’homme, créature façonnée à l’image de Dieu, contre un certain matérialisme qui soumet les actions morales à un déterminisme physique. Pic polémique sans doute contre Ficin, mais il s’agit alors du Ficin médecin et épicurien (traducteur, bien que renégat, de Lucrèce) et non du philosophe néoplatonicien. Mais c’est surtout du côté de l’averroïsme padouan que viendra la plus violente réponse aux thèses anti-astrologiques de Pic : Pomponazzi publie le De Incantationibus (1520) dans lequel il montre la sujétion de l’existence humaine aux déterminismes physiques et astrologiques, contre l’idéalisme métaphysique de Pic (33). Il montre encore comment tous les prétendus miracles sont susceptibles d’une explication physicaliste qui ne nécessite nullement le recours à une intervention divine.

 

NOTES


1- Œuvres philosophiques, 1993, p. 7.

2- Un telle interprétation fait en effet bon marché de la théologie de la grâce que Pic évoque pourtant longuement dans l’Heptaple, prologue du septième livre, Œuvres philosophiques, 1993, p. 229 sq.

3- Voici comment Salviati décrivait Pic en 1564 (donc 68 ans après sa mort) : « Vous l’auriez vu alors, le visage enflammé, les yeux brillants, fixés sur le ciel, entraîné à parler par une force frémissante, et tout empreint d’une fureur céleste, raisonner sur les choses, découvrir des secrets et pénétrer des mystères si profonds et si neufs que chacun, subissant son emprise, aurait pu reconnaître fermement que, en de tels moments, réchauffé par l’esprit divin, il ne disputait pas, mais prophétisait. » (cité par Tognon, Œuvres philosophiques, 1993, p. XXIII).

4- L’universelle érudition de Pic et l’aura de magie qui l’environne en font un assez bon modèle pour Faust, séducteur comme Pic d’une certaine Marguerite. Mais le véritable Faust, figure mi-historique mi-légendaire et qui aurait vécu entre 1480 et 1540, est tout autre. Il reste que Pic de la Mirandole incarne parfaitement le génie faustien de la Renaissance, que méditera, trois siècles plus tard, Gœthe. Il n’est pas impossible non plus que l’auteur anonyme du Volksbuch du docteur Faust (première édition imprimée en 1587 à Francfort), qui est à l’origine de la légende, ait songé à Pic de la Mirandole en faisant le portrait de son héros.

5- Comme l’écrit Pic lui-même dans les dernières pages de l’Oratio, on croyait alors que la Kabbale, comme l’enseignait la tradition juive, était composée des soixante-dix livres dans lesquels le grand prêtre Esdras avait conservé, lors de la captivité à Babylone, l’enseignement ésotérique transmis par Dieu à Moïse. Cf Œuvres philosophiques, 1993, p. 65.

6- L’Oratio se termine en effet sur un accent guerrier : « Pères très excellents que je vois non sans plaisir, cuirassés et armés, attendre le combat, comme si retentissaient les trompettes pour augurer heureusement du succès, marchons au combat. » (Œuvres philosophiques, 1993, p. 71).

7- On trouvera la liste des treize thèses incriminées dans Œuvres philosophiques, 1993, XXXIV, note 43.

8- Apologia, cité par Giuseppe Tognon in Œuvres philosophiques, 1993, p. XXXVI.

9- On sait que l’éclectisme triomphera en Sorbonne sous la Restauration, avec la leçon d’ouverture de Victor Cousin en 1817. Pourtant, l’Antiquité n’ignorait peut-être pas cette pensée, puisque Diogène Laërce, dans le Proemium des Vies et Sentences des philosophes illustres (§ 21), évoque « une école dite éclectique, introduite pas Potamon d’Alexandrie, qui choisissait ses opinions en les prenant dans chacune des écoles de pensée. » (Le Livre de Poche, 1999, p. 77-78).

10- L’interpétation de la Naissance de Vénus par Botticelli, développée par Edgar Wind dans ses Mystères de la Renaissance, se fonde essentiellement sur le Commento du poème de Benivieni par Pic, II, 18-20, éd. Toussaint p. 125-128.

11- Œuvres philosophiques, 1993, p. 256.

12- Giuseppe Tognon, in Œuvres philosophiques, 1993, p. XVII.

13- Œuvres philosophiques, 1993, p. 264.

14- Œuvres philosophiques, 1993, p. 258.

15- On en trouvera la traduction, avec le commentaire de Pic dans : Giovanni Pico della Mirandola, Commento; traduit et annoté par Stéphane Toussaint, Lausanne, L’Age d’Homme, 1989.

16- Fin du dernier chapitre, ou chap. 13, de la première partie du Commento, éd. Toussaint p. 103.

17- III, 3, éd. Toussaint p. 141. A propos du ravissement de saint Paul, il faut noter que ce thème est issu de II Cor., XII, 2, 3, 4 : « Je connais un homme dans le Christ qui, voici quatorze ans — était-ce en son corps, je ne sais, était-ce hors de son corps, je ne sais, Dieu le sait — cet homme-là fut ravi jusqu’au troisième ciel. Et cet homme-là — était-ce en son corps, je ne sais, était-ce sans son corps, je ne sais, Dieu le sait — je sais qu’il fut ravi jusqu’au paradis et qu’il entendit des paroles ineffables, qu’il n’est pas permis à l’homme de redire. »

18- III, 3, Toussaint p. 139 et not 43. Également Edgar Wind, Mystères païens de la Renaissance, Paris 1992, p. 245, et note 38, qui donne une référence au De Sapiente de Bovelles, XXXI : « Pourquoi les Romains ont représenté le Sage en Janus bifronts et quadrifronts », in Cassirer, Individu et cosmos, p. 385-388.

19- Ce texte est aisément accessible pour ceux qui lisent l’italien : on en trouve une édition de poche, Lotario di Segni, Il Disprezzo del mondo, éd. de Renato D’Antiga, Nuova Pratiche Editrice, 1994 (avec le texte latin).

20- Il est vrai que Pic fut longtemps considéré comme un syncrétiste, un  averroïste, un mage, en un mot un hérétique, avant qu’on ne découvre en lui, depuis une vingtaine d’années, un chrétien très pur fidèle à l’orthodoxie : « D’un Pic néoplatonicien, scolastique, averroïste, syncrétiste, mage, monstre de mémoire, révolté, l’on est passé au Pic païen, ou chrétien malgré lui, héros de la rupture avec le Moyen Age, moderniste, initiateur de la libre pensée, symboliste, existentialiste, ou au Pic théologien, fidèle à l’orthodoxie, “figure la plus pure de l’humanisme chrétien” (P.-M. Cordier, 1958). » (Giuseppe Tognon, in Œuvres philosophiques, 1993, P. XII).

21- Commento, II, 24, éd. Toussaint p.131.

22- Œuvres philosophiques, 1993, p. 31.

23- Œuvres philosophiques, 1993, p. 25.

24- IV, 7, Œuvres philosophiques, 1993, p. 203. C’est la « quatrième exposition » de l’Heptaplus qui est consacrée au « microcosme, c'est-à-dire à la nature de l’homme » (p. 194-203).

25- Œuvres philosophiques, 1993, p. 253.

26- D’après une lettre de Marsile Ficin de 1495, on apprend que Pic, dans les dernières années de sa vie, « se donnait chaque jour trois tâches : réaliser la concorde entre Aristote et Platon, commenter les textes sacrés, réfuter les thèses des astrologues. » (Œuvres philosophiques, 1993, p. XLIV). En effet, dès les premières lignes de L’Etre et l’Un, Pic fait allusion à « ce que je dois écrire de manière plus développée dans ma Concorde de Platon et d’Aristote encore en gestation » (Œuvres philosophiques, 1993, p. 75).

27- On trouvera la liste de ces références dans Œuvres philosophiques, 1993, p. 77, note 5.

28- Chap. 5, Œuvres philosophiques, 1993, p. 105.

29- Voir sur ce point les développements de Richard H. Hopkin, dans son Histoire du scepticisme d’Érasme à Spinoza, Paris, PUf, 1995 [1977], p. 54-58. C’est en 1520 que Jean-François publie l’Examen Vanitatis Doctrinæ Gentium.

30- « Quant à moi, je dirai d’abord au sujet du Parménide, que rien n’est nulle part affirmé catégoriquement dans tout ce dialogue, et que, même si quelque chose s’y trouve affirmé, rien ne permet d’en tirer clairement une doctrine de cette sorte. Assurément, il ne faut pas ranger ce livre parmi les traités dogmatiques, il n’est tout entier qu’une sorte d’exercice dialectique. » (Œuvres philosophiques, 1993, p. 79).

31- Œuvres philosophiques, 1993, p. 281.

32- Œuvres philosophiques, 1993, p. 280.

33- Pietro Pomponazzi, Des Causes des merveilles de la nature, ou des Enchantements (De naturalium effectuum admirandorum causis sive de Incantationibus), introduction et traduction Henri Busson, Paris, Rieder, s.d.